Septième Etape

Vite , c’est bien agréable de prendre son pied , mais puisque je ne suis pas en loques , il me faut soutenir mon pari , en essayant d’aller le plus loin possible.

Je range vite fait mon bardas , je rempli ma gourde , et au moment ou je démarre , voilà t il pas que ma co-équipiére d’un moment pointe son nez à l’entrée du camp.

J’ai le sentiment qu’elle va abandonner là , épuisée ; je n’ai pas le courage de l’attendre quelques minutes , et je pars dare dare.

Mais voilà 500 M plus loin , un besoin impératif et brutal s’impose à moi , et m’oblige à chercher désespérément un coin approprié. La chance est avec moi, à l’écart du chemin un ensemble de buissons et fourrés s’offre à moi, avec des passages herbeux. Je m’y glisse , un tour d’œil aux alentours : Alerte , que fait cet enfoiré là haut au sommet de la colline, et qui semble observer mon manége ? tant pis, je me soulage , puis cache consciencieusement mon forfait, et repart allégé rejoindre le chemin officiel.

MORALE de cette histoire : Priez le ciel pour qu’une telle aventure ne vous arrive pas dans un coin complétement découvert ( comme au milieu de la Plaine des sables ) ou un coin totalement inconfortable ( comme dans la descente du Coteau Kergueven )

MORALE SUIVANTE : Après la gourde d’eau , le produit le plus indispensable est le PAPIER OUATé ( offrez vous ce petit confort , vous ne le regretterez pas dans votre épreuve, et à la limite , ça s’échange plus facilement contre un CHOCOLAT LEONIDAS , que du vulgaire papier journal). Enfin , pensez qu’il pleut à la Réunion, que vous pouvez tomber dans une flaque d’eau, qu’un supporter enthousiaste peut vous asperger d’eau : et donc que du papier P-Q mouillé ça colle des tas de petits morceaux là ou vous croyez que ça va vous nettoyer comme un sou neuf ( mais certains aiment peut être ? ) ; DONC l’envelopper amoureusement dans un petit plastique ad-hoc !

DERNIERE MORALE : Même dans les coins les plus déserts, comme le Cirque de Cilaos, ou vous vous imaginez seul à 1 KM à la ronde, il y a toujours un couillon qui observe le touriste ; vérifiez que le-dit couillon a peur de vous et reste à une distance respectueuse, suffisante en tout cas pour que même unœil d’aigle ne puisse apprécier la consistance de vos parties intimes.

Ceci me rappelle une histoire qui nous est survenue il y a trois ans, lors d’une randonnée Début MAI au SUD du MAROC, en bordure du désert, avec un organisateur réputé, concurrent de Terres d’Aventures. Lors d’une étape dans un djebel montagneux et aride, notre groupe s’était installé en bordure d’un petit hameau d’une vingtaine de maisons. Couvert de poussiére et de sueur , nous avions une envie folle d’un bon décrassage. Bien sur , ni hôtel 3 étoiles , ni eau courante, ni bains turcs, ni douches municipales , RIEN , RIEN , à 50 kms à la ronde. Mais si, en regardant bien, un minuscule oued coule là , avec quelques flaques d’eau. Connaissant la pudeur des populations du coin , et les régles en pays musulman, nous sommes quatre à descendre l’ OUED sur un bon kilométre. Arrivés dans une gorge, hors de vue du hameau , loin de tout champ cultivé , nous scrutons les alentours : aucune âme vivante ! Nous prenons pied dans le petit trou d’eau , démarrons notre strip-tease, et étalons nos biens sur le rocher. MALHEUR ! TROIS fillettes surgissent d’on ne sait ou, juste avant l’instant fatidique. Deux d’enter nous, muets de stupeur, reste les bras ballants ( heureusement que le reste ne " ballaie " pas ) , deux autres se ruent sur leurs fringues pour se rhabiller dare-dare , de peur que les gamines hurlent comme des damnées, et ne rameutent les barbus qui nous étriperaient comme des provocateurs sataniques. Mais non, elles n’en veulent qu’a nos ingrédients, et on comprend vite pas leurs mimiques qu’elles ne désirent qu’un gentil don : Savonnettes , Shampooing . Une fois le don fait , elles se sauvent en se disputant le butin à grands cris , ne nous laissant que le strict minimum pour notre décrassage à quatre !

Ou en étais-je ? Ah oui , le chemin se déroule sans peine sous les pieds quand on rêve , quand on meuble son esprit de pensées . A propos , A QUI PENSENT les premiers de la course, pendant les 20 heures ou ils courent comme des dératés ?

Et sans efforts , me voici arrivé dans le fameux bois des TAMARINS , que je considére comme un endroit idyllique : une forêt claire , avec ces beaux arbres , et un sous bois propre et mousseux ou herbeux. L’œil s’attendrit sur ces troncs majestueux, galbés ou tordus, donnant une ombre légère et tiède. Seuls les robots peuvent passer là comme des zombies. Mais, non , la mousse m’attire, et le syndicat des randonneurs m’ordonne une pause obligatoire ( Article 25 de la convention collective des randonneurs : "  Nul ne traversera une foret sans s’arrêter pour rendre hommage aux druides et esprits " ) : donc la mousse m’accueilla un bon quart d’heure ( toute comparaison avec un matelas, fut-il Epéda, est inutile) , seuls les regards courouçés ou inquiets de plusieurs passants me tirant de ma position horizontale.

Un peu plus loin , c’est un vrai boulevard : sur un chemin de rondins bati sur un sol spongieux et plat , c’est toute une procession de touristes du dimanche ( du samedi en fait ) que nous croisons. Ceux-ci vont tous s’entasser sur un petit pré en bordure de foret pour y pique-niquer au coude à coude.

Je croyais que le COL DES BŒUFS , c’était là ; mais non , le chemin se met à remonter , en plusieurs lacets serrés sur au moins cent métres : : c’est toujours démoralisant et pénible de devoir monter quand on croyais être arrivé !

Enfin , on débouche sur le parking du COL. Le temps est devenu gris, même brumeux. Le long de la route empiérrée , les raiders s’étalent en petits groupes de 2 ou 3. Puis on l’abandonne à droite pour la " Route Forestiére des Merles " , au milieu de laquelle se trouve le point de contrôle n° 13 . Cette partie du parcours est monotone et triste. Seule une bagnole peut y être heureuse. Ce genre de route me donne toujours mal au pieds. Je m’arrete avec satisfaction au contrôle, pour y grignoter quelques bricoles classiques, et surtout me déchausser et masser affectueusement mes pieds ! Nous sommes samedi MIDI , je constate avec bonheur que j’en suis déjà aux DEUX TIERS du parcours ( 82 KMS ) , et que je ne suis pas encore mort ou agonisant !

Allons , courage, je commençe à croire que j’ai une petite chance d’aller jusqu’au bout.

Cet optimisme s’envole vite dans la suite du sentier, lequel devient horrible, plein de pierres, avec des descentes épuisantes, suivies de remontées. Il s’éternise en direction du sud ( que je crois ) , pour au final tourner vers le nord. On a l’impression de faire des tas de kilométres supplémentaires , et des tas de dénivellés , par rapport à la ligne droite idéale. Enfin , le moral à ZERO , je franchit le gué de la Ravine des Fleurs Jaunes, je débouche à l’arriére de Grand Sable sur un large chemin rectiligne ( je me souviens y avoir mangé de délicieux goyaviers il y a longtemps) au bout duquel se trouve une minuscule point de contrôle sans rien, rien du tout, pour vous y retenir ne serais ce qu’une seconde !

Et là, je découvre , incroyable, que GRAND SABLE a été aménagé en zone cultivée, et qu’une large route y aboutit maintenant. Sur cette route, je prend le pas d’un groupe de 4 raiders, qui forçent l’allure au maximum dans la remontée. J’arrive à tenir leur cadence, et même sur le haut à en laisser trois en arriére, pour terminer à l’entrée de GRAND ILET avec le plus rapide d’entre eux.

D’après mes souvenirs du temps passé , je pensais qu’il fallait au moins 2 heures pour cette portion ; mais la nouvelle route économise les tournants et ratisse les bosses , une seule petite heure aura suffit pour faire les 5 kms .