Huitième Etape

Me voici à Grand Ilet à 14h40 ;

La , me voilà façe à une grande décision : QUE VAIS FAIRE ?

J’ai atteint le but honorable que je m’étais fixé comme limites probables de ma force (j’estimais devoir faire la moitié du parcours au moins, et mon espoir était d’en faire les trois quarts )

Je suis donc fortement tenté d’ABANDONNER ici.

Par ailleurs , j’ai une terrible appréhension de la montée de la Roche Ecrite ; le petit fond de lâcheté et de fainéantise qui sommeille en chacun de nous me pousserait à abandonner.

Mais d’un autre coté, ma fierté me dit " N’abandonne pas, tu peux aller plus loin ".

Et puis, plus de MILLE personnes vont monter cette sacré Roche ecrite, pourquoi pas toi ?

Bon , en attendant un décision , traitons d’abord les aspects pratiques :

  • puis faisons nous masser , pour voir ensuite si je me sens dans une forme suffisamment euphorique pour tenter l’aventure ! MAIS HELAS , la salle est comble , tous les masseurs sont à l’action , et il y a une queue d’attente d’au moins 9 personnes assises sagement sur des chaises, plus quelques unes le long des murs. J’estime qu’il me faudra attendre environ une demi heure , plus un quart d’heure de massage , au total 3 / 4 d’heure. C’est TROP , j’élimine le massage à regrets. NOTA : vu le populo, ne faut - il pas en venir à distribuer des " Tickets " d’attente , et à afficher un délai d’attente aux massages, pour informer les raiders ?
  • courons à l’autre école , à coté , pour y consommer son ticket repas ; la encore, repas plutôt froid et insipide ; je n’aurais aucun souvenirs gastronomiques du GRAND RAID , hélas !
  • maintenant que vais je faire si j’abandonne ? me coucher et roupiller ? D’abord je ne me sens pas encore très sommeil ( il est 15 H , il fait grand jour ) , et puis je découvre un dortoir sans attrait , à coté d’un haut-parleur qui crache une musique beuglante ! Donc idée à jeter à la poubelle !
  • Et puis , sans massage, mes jambes vont me démanger terriblement si je m’allonge, j’aurais des tiraillements dans tous les muscles , et impossible de réellement dormir alors.
  • A moins qu’il y ai un bus pour nous redescendre sur St Denis ? Non , il paraît qu’il n’y en a pas ce soir , seulement demain matin.
  • Là imaginez mes hésitations , mais ça ne va pas durer ! Je jette un coup d’œil à droite , puis à gauche.

    Je cause trois mots avec un mec qui viens juste d’arriver : il me dit qu’il va s’arrêter et se reposer deux heures, et repartir vers 17 H . Ah bon , il va donc monter DE NUIT la Roche Ecrite , cela me laisse rêveur ! Est-ce un inconscient , ou finalement tout ne serait il pas possible ?

    Puis je vois un mec , d’un âge certain , prendre tranquillement le chemin, à allure modérée, et dans une forme qui ne me paraît guère prometteuse.

    Là, mon sang ne fait qu’un tour , pourquoi lui , et pas moi ?

    Et vlan ! je bondis sur mon sac à dos , et je lui emboîte le pas à distance.

    Je calcule que même si la montée est pénible , et qu’il me faille 3 H comme on me l’a raconté , j’arriverais au sommet avant la nuit tombée, puisqu’il est 15 H pile.

    J’accélére le pas, pour finalement arriver en moins de 30 mn de route au pied de la fameuse montée.

    Là, je m’arrête dix bonnes minutes pour reprendre mon souffle, vérifier mes pieds et commençer à mettre un premier sparadrap sur un début de rougeur. Et bouffer deux barres de céréales pour avoir une réserve d’énergie.

    Je laisse passer deux ou trois mecs qui enchainent d’un trait , donc un jeune prétentieux qui clame qu’il va monter à l’aise en moins de 2 H.

    Je démarre les premiéres marches à 15H 35 exactes.

    Je vais monter d’un pas lent et paisible, sans tenter la limite de ma force.

    Je m’arreterais souvent , plus de dix fois surement , pour reprendre mon souffle, boire une gorgée , et traiter un problème de PORTEUR DE LUNETTES : l’air est humide, une petite pluie ou crachin s’est mise à tomber. Résultat , les verres se couvrent de gouttes d’eau  coté externe , et de buée coté interne provenant de la transpiration ( gros effort dans la montée) ; au bout de 5 minutes on n’y vois plus rien , d’ou nécessité d’un arrét pour nettoyage ! ; les roches du chemin deviennent glissantes, et il faut un minimum de prudence.

    La montée est très raide sur de nombreux passages, avec surtout des passages rocheux ou il faut faire de grandes enjambées , ce qui fait beaucoup  tirer sur les cuisses. Le BATON télescopique que j’ai emmené m’est d’un précieux secours pour m’aider à monter en économisant mes muscles du dessus des cuisses. D’assez nombreux raiders ont pris DEUX bâtons ; j’ignore si cela est plus efficace pour eux, mais pour moi , je suis persuadé que cela m’aurait encombré. En effet, les passages les plus rudes nécessitent d’y " METTRE LA MAIN " .

    La difficulté m’apparaît toutefois moins catastrophique que dans mes souvenirs :

    Il y a quinze ans, j’avais descendu, en journée, ce sentier, avec ma femme, et j’avais un gros sac à claie ( avec tente, rouleau mousse et 15 KG au total ) : notre souvenir du lieu ressemble à l’ ENFER , avec des passages dangeureux, des tournants façe au vide , de la roche nue , des pierres qui glissent sous les pieds et faillissent de vous envoyer dans la pente abrupte, des passages hyper étroits ou mon sac à claie accrochait à la paroi , etc …

    Rien de cela jusqu’à présent ; le sentier monte raide, certain , mais il est entouré de végétation, de petits arbustes , qui masquent la pente et donnent un sentiment de sécurité.

    Mes souvenirs plaçent les endroits les plus démentiels dans le tiers haut du sentier. Au fur et a mesure que je progresse , j’attends avec anxiété l’apparition de ces endroits.

    Puis je passe trois ou quatre portion étroites , MAIS MUNIES D’UN CABLE A MAIN GAUCHE ; aucun risque malgré l’étroitesse, à moins d’être manchot.

    Puis un mec qui m’a rejoint me dit "  ON ARRIVE " je reconnaît le gros rocher blanc là !

    Il se trompe , car ce n’est pas le bon rocher ; il me fait le coup trois fois sur dix minutes , la derniére étant évidemment la bonne : on débouche sur le plateau à travers un gros rocher.

    A mon grand soulagement , l’épreuve la plus critique est terminée, et elle fut beaucoup moins épique que je l’imaginais ; j’en suis à la fois soulagé , et aussi fier d’avoir continué !

    Il est 17h55 et j’ai mis 2H20 pour cette montée. Sur INTERNET , j’avais reçu le témoignage d’un jeune sportif Raider 1998 , qui disait " il faut TROIS H à la plupart des raiders pour cette montée , moi (lui) je n’ai mis que 1 H 20 sans me défoncer " ( dit-il )

    Donc , finalement , avec mes 2H20 , je ne suis pas si croulant que ça , ce n’est pas encore demain la veille ou je serais bon à mettre à l’hospice.

    En y réfléchissant , je suis persuadé maintenant que l’ ONF , depuis 15 ans , a totalement modifié ce sentier , en sécurisant les passages ( Câbles ) , en rectifiant les points délicats, et en favorisant la pousse de la végétation.

    L’ ONF peut elle confirmer ? ? ? ? ? ?